Adaptons-nous plus vite que les hérissons
Lettre N°7 – 25 juillet 2023
Mission n°1 accomplie pour Carbones sur factures
La première étape de la mission que s’était donnée Carbones sur factures en octobre dernier est remplie : notre communauté a construit des comptes carbones (ou cc) adaptés à toutes les organisations qui permettent ensuite à chacun d’agir sur le climat à son niveau. (Leurs règles sont ici, mais une force des cc, partagée avec d’autres découvertes qui changent nos vies comme le wifi, est qu’on n’a pas besoin de savoir « comment ça marche » pour en bénéficier.)
A la rentrée, nous entamons notre deuxième étape, le déploiement des comptes carbones, pour laquelle nous aurons besoin de toutes les énergies (vertes…). Cette dernière lettre de CSF avant la trêve estivale présente aussi simplement que possible pourquoi les cc sont la façon la plus efficace de décarboner la planète.
Le climat est l’affaire de tous et pour toujours
En accumulant trop de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (les « carbones »), l’espèce humaine a rompu l’équilibre climatique et ceux qui lui sont liés, notamment l’eau. Le dérapage enclenché est bien trop rapide pour la plupart des autres espèces vivantes : elles continueront de mourir tant que notre espèce ne fera pas deux choses : d’abord RETROUVER un équilibre le plus vite possible entre les carbones que l’atmosphère peut absorber et ceux que nous émettons et donc chaque année réduire les carbones ajoutés par rapport à l’année précédente ; ensuite GARDER indéfiniment cet équilibre alors que 10 milliards de personnes continueront d’inventer de nouvelles façons de vivre impactant les carbones. Nous devons donc TOUS et POUR TOUJOURS changer puis surveiller nos habitudes de production et de consommation : la décarbonation se trainera tant que nous croirons qu’elle ne concerne que les grands décideurs pour un temps limité.
Débloquer la question du « combien »
L’envie d’agir pour l’équilibre du climat est là : parce que le dérèglement climatique commence à se voir et parce que, progressivement, chacun comprend que c’est SON intérêt de changer SES habitudes de production ou de consommation, parce que les carbones lui couteront toujours plus cher et seront toujours plus mal vus de ses partenaires. Les précurseurs sont gagnants.
Reste aujourd’hui l’obstacle du « combien ». Un particulier, une entreprise ou une collectivité publique a besoin de savoir pour chacune de ses décisions combien de carbones elle ajoute ou enlève à l’atmosphère. Malheureusement, nous n’en savons rien et quand nous avons des chiffres nous avons rarement confiance en eux. Alors nous suivons nos intuitions : nous croyons par exemple que le poids en carbones d’un produit est le même pour tous les producteurs, ou que le transport fait la différence ; nous croyons qu’une entreprise dont l’empreinte carbone est faible aide à décarboner, ou qu’un placement vert finance la décarbonation… Ces intuitions sont souvent fausses et aussi inefficaces que le hérisson qui se met en boule en entendant arriver la voiture. L’espèce hérisson mettra des centaines de milliers d’années à s’adapter. Nous pouvons aller très vite dès que nous avons des mesures fiables : éliminer le greenwashing, coordonner nos décisions, éviter les disputes stériles.
Éclairer TOUTES les décisions avec les comptes carbones
Les cc nous donnent ces mesures fiables. Là où la comptabilité et la finance monétaires nous disent combien une décision coûte ou rapporte d’argent, les cc nous disent combien elle ajoute ou retire de carbones à l’atmosphère, en comptabilisant les carbones comme on comptabilise l’argent, selon les standards internationaux de la comptabilité et des carbones.
Les cc éclairent les décisions d’achat et de ventes de biens, en donnant facilement au producteur le poids fiable en carbones qu’il a fallu pour les produire, à mettre à côté du prix. L’acheteur (particulier, entreprise ou collectivité publique) peut alors choisir le produit le plus léger à égalité qualité/prix ; ou, s’il accepte un effort climatique, vérifier que le gain en carbones “vaut le coup”. Une concurrence saine sur les poids de carbones complète la concurrence sur les prix et pousse à l’innovation.
Les cc éclairent aussi les décisions dans la durée : la stratégie d’une entreprise, le lancement ou le financement d’un projet, où placer son épargne. IIs donnent facilement le résultat en carbones de la décision : combien une entreprise, une ville, un placement va ajouter ou retirer de carbones à l’atmosphère sur une année (ou un projet sur sa durée de vie). Chacun peut choisir les investissements qui ont les meilleurs résultats en carbones pour les mêmes résultats monétaires ; ou sacrifier un peu de rendement monétaire pour un meilleur rendement climatique. Les contribuables mesurent aussi combien leurs impôts évitent ou rajoutent de carbones à leur territoire, et si l’enveloppe des projets respecte les engagements climatiques.
Tout le monde y gagne
– Les particuliers sont gagnants : avec ces mesures nouvelles, ils peuvent se sevrer à leur rythme des carbones et, si le dérèglement climatique les préoccupe, récupérer des leviers d’action puissants par leurs achats, leur épargne et leurs votes (ceux qui s’en fichent n’ont rien à faire de plus…).
– Les organisations sont gagnantes. Elles pilotent mieux leur compétitivité et leur réputation carbone, avec des comptages carbones plus simples que les bilans carbones réglementaires actuels (1). Cette simplification est indispensable pour les petites entreprises, qui dans leur immense majorité ne comptent pas encore leurs carbones et sont privées des outils de pilotage climatique des grandes. Leurs grands partenaires et les pouvoirs publics ont intérêt à leur apporter un appui qui les motive à tenir leurs cc et leur évite des surcoûts.
– Les pouvoirs publics sont gagnants. Ils réconcilient les défenseurs de l’argent et ceux des carbones ; ils renforcent la compétitivité carbone de leurs territoires ; ils évitent la concurrence déloyale des produits étrangers, en exigeant la sincérité comptable de leurs poids en carbones.
Nous y revenons dès la rentrée : très bon été.
(1) Des calculateurs gratuits sont mis au point pour elles.