Lettre N°28 – 15 mai 2025

Quelle vitesse pour la transition

Notre série, Réussir la transition carbone

 

Résumé des 6 épisodes précédents
Pour piloter la transition carbone vers un équilibre compatible avec la vie humaine sur Terre, l’humanité pourra s’appuyer sur les indicateurs de performance de l’économie carbone. Le Contenu carbone de chaque produit déclenche une concurrence carbone et une transition carbone volontaire que les pouvoirs publics peuvent renforcer et rendre loyale. La Rentabilité carbone des investissements éclaire les décisions dans le futur. On va voir qu’elle guide aussi notre vitesse de transition collective.
 

Quelle vitesse pour la transition

 
Cet épisode éclaire une question obscure (et débattue) de la transition : la vitesse à laquelle l’humanité avance dans sa transition. Pour la simplifier, nous ferons comme si l’Humanité avec un H majuscule était une seule personne.

La vitesse de la transition carbone de l’Humanité

L’Humanité produit ce qui est nécessaire à ses besoins immédiats (consommation) et à ses besoins futurs (investissement). C’est sur l’investissement qu’elle compte pour faire face à la menace carbone : construire une production et une consommation « presque » zéro carbone ; et protéger le vivant dont les captures permettent le « presque ».

Le résultat carbone de son investissement est la variation du flux de carbone vers l’atmosphère. Et le taux de rentabilité carbone de son investissement est cette variation, divisée par les émissions nécessitées par l’investissement (son contenu carbone). L’Humanité peut suivre ce taux, année après année, et le projeter dans le futur.  

Le taux de rentabilité carbone de l’investissement mondial peut être assimilé à la vitesse de la transition : s’il est négatif, la transition recule ; s’il est positif, la transition avance et d’autant plus vite que le taux projeté est élevé. Pour accélérer sa fortune, il vaut mieux investir à 50% de rentabilité plutôt qu’à 3%. C’est pareil en carbone pour accélérer sa transition.

Ce que nous dit la rentabilité carbone moyenne de l’investissement mondial

Le monde décarboné de demain se fabrique avec l’investissement d’aujourd’hui. L’indicateur de performance « rentabilité carbone mondiale » nous rappelle que le succès ou l’échec de la transition dépend d’une performance financière collective sur la (très longue) durée.

Contrairement à ce qu’on entend, bien suivre 10 ou 20% d’investissements spécifiques marqués « transition » ou « verts » ne pourra jamais donner un résultat moyen convenable. C’est TOUT l’investissement (et donc toute l’épargne) qu’il faut suivre. Les financiers savent que s’ils veulent garantir un taux de rentabilité moyen pour un portefeuille d’investissements, il leur faut un suivi exhaustif, parce que les pertes en argent des investissements non suivis peuvent coûter bien plus que ce que rapportent les gains des investissements suivis.
C’est d’autant plus vrai en carbone : les pertes en argent d’un investissement sont généralement plafonnées à l’argent investi (grâce à des limites de responsabilité de l’investisseur). La perte en carbone sur un investissement peut aller bien au-delà du carbone investi.

La vitesse minimale de la transition

On peut faire dire une autre chose essentielle à cette vitesse de la transition en calculant, non pas la « bonne » vitesse (qui est une décision politique) mais une vitesse minimale : la rentabilité carbone minimale à respecter. Elle peut en effet se déterminer sur des bases scientifiques en fonction notamment de la durée maximale de transition que peut supporter sans drame l’humanité (et le vivant sur lequel elle s’appuie). Cette vitesse minimale transpose simplement en économie carbone la logique des financiers en argent : ils appellent taux d’actualisation le taux de rentabilité minimal au-dessous duquel ils ne financent pas.

Nous aurons l’occasion d’y revenir.