Lettre N°20 – 6 décembre 2024
On est dimanche soir. Mickael et sa fille Mikaela ont une très mauvaise surprise : 60 plantes invasives dangereuses ont poussé dans leur champ. Il faut une journée entière pour arracher les 60, et ils doivent avoir fini mardi soir, sinon… sinon les fruits explosent et risquent de tout empoisonner. Evidemment, ils avaient déjà leur agenda complètement plein et en plus Mikaela est en formation le lundi et son père a rendez-vous à l’hôpital le mardi !
Ils décident un partage équitable de cette surcharge de travail : Mickael dégagera la moitié de son lundi et Mikaela la moitié de son mardi.
Patatras… Internet leur donne une information supplémentaire importante : ces plantes se reproduisent très vite, elles se dédoublent tous les jours ! S’ils ne font rien le lundi, les 60 plantes du dimanche soir seront 120 le lundi soir… Ils décident de corriger leur répartition du travail pour qu’elle reste équitable : Comment vont-ils partager les arrachages entre eux ? Est-ce que l’effort total à accomplir, mesuré en nombre d’arrachages, est toujours égal à 60 ?
Pour un partage équitable, Mickael doit arracher 40 plantes le lundi. Les 20 restantes deviennent 40 le mardi à arracher par sa fille. Il aura donc fallu réaliser au total 80 arrachages : un effort supérieur d’un quart à ce qu’ils pensaient d’abord.
Mickael sait donc ce qu’il a à faire le lundi, mais pas de chance, il a une série d’empêchements tout au long de la journée et au moment de partir à l’hôpital, il lui manque 20 arrachages sur ce qui était prévu. Que devra faire sa fille le mardi ? Peut-elle y arriver ? Est-ce que l’effort total de la famille reste le même ?
Mickael n’a arraché que 20 plantes, il en reste 40 le lundi soir qui deviennent 80 le mardi. Mais Mikaela ne peut faire que 60 arrachages par jour ! Il y a encore 20 plantes mardi soir qui deviennent 40 mercredi matin dans un environnement désormais empoisonné… L’effort total est passé à 120 arrachages (20+60+40) !
En fait, Mickael veut faire une bonne surprise à sa fille : le lundi, il ne va faire que ça et arracher les 60 ! Est-ce que l’effort total de la famille reste le même ?
Non bien sûr, on est redescendu à 60 arrachages ! Les efforts de Mickael pèsent lourd sur l’effort total de la famille : il peut le faire varier du simple au double (entre 60 et 120). 1 effort de plus et c’est au global 1 effort en moins pour la famille. Et ses retards sont encore plus graves si sa fille n’arrive pas à les compenser dès le lendemain.
Qu’entendre dans cette fable ?
Mickael est la génération actuelle, Mikaela est la génération qui nous suivra et la journée dure 30 ans. Les plantes invasives sont les gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les arrachages sont nos efforts de décarbonation (« l’atténuation » disent les spécialistes). Et ce doublement d’une génération à l’autre de l’effort pour les réduire résume les 5 mécaniques défavorables à l’œuvre*.
La fable nous dit deux choses.
-Un partage naïf n’est pas équitable, il renvoie beaucoup trop d’efforts à la prochaine génération. Pour décarboner de 60 unités en 60 ans, il faut décarboner presque 2 unités chaque année, et dès la première année.
-Le moindre retard doit être rattrapé tout de suite. L’effort que ne fait pas cette génération sera au moins doublé à la suivante. Et chaque retard annuel doit être plus que rattrapé l’année suivante sauf à devenir irréversible.
N’hésitez pas à diffuser cette fable et à nous donner vos bonnes idées pour la diffuser plus largement !
Les bénévoles Carbones sur factures
*Cinq mécaniques poussent le stock de GES à la hausse. 1) La poursuite des habitudes de production et de consommation humaine. 2) Nos adaptations à certains dérèglements (digues ou air conditionné provoquent des GES). 3) Notre incapacité à nous adapter à d’autres dérèglements (santé humaine affaiblie, agriculture moins efficace). 4) L’impossibilité du vivant sauvage à s’adapter (les captures considérables de GES des animaux, plantes, champignons ou bactéries diminuent du fait du stress climatique, du stress hydrique, de la déforestation, de la sur-exploitation, de la pollution …). 5) La probabilité accrue d’effets de seuil avec des accélérations brutales de la dégradation de la contribution naturelle (acidification des océans, fonte du permafrost, inversion de courants marins…).