Lettre N°17 – 11 juillet 2024
On peut accélérer la transition à moindre coût en déployant des mesures comptables environnementales des gaz à effet de serre, ou MCE . Une de leurs forces est d’apaiser des débats clivants sur la transition : dans ce post, le débat sur la place du vivant.
Les clivages sur le vivant et la biodiversité
Fermer les robinets d’émission de gaz à effet de serre (GES) vers l’atmosphère, c’est la transition à réussir. S’il y a un consensus sur l’objectif, il est facile de se perdre en polémiques sur les moyens, et notamment sur les places respectives du vivant et de la technologie dans nos priorités. Par vivant, on entend ici tous les acteurs de la biodiversité non domestiqués, depuis le phytoplancton mono-cellulaire jusqu’aux arbres et aux animaux.
Les mesures comptables environnementales (MCE) réconcilient ceux qui croient le moins au rôle du vivant et ceux qui y croient le plus.
La transition est impossible sans le vivant
Il est tentant de voir la transition comme tous les autres problèmes que l’homme a affrontés victorieusement avec l’aide de la science et de la technologie. Les scientifiques expliquent que cette fois, c’est différent.
Depuis deux cents ans, la science et la technologie ont permis une hausse fantastique du nombre d’humain et de leur consommation moyenne. Depuis quarante ans, elles ont découvert que notre ignorance des boucles du vivant conduit à une concentration croissante des GES dans l’atmosphère qui en font des poisons, pour nous ET pour le vivant. Le partage des rôles implicite (les humains carbonent et le vivant décarbone) ne marche plus car nos actions, directement et à travers les GES, détruisent la capacité du vivant à décarboner. A l’échelle des millions d’années qui est la sienne, le vivant mutera pour survivre à n’importe quel nouvel environnement mais il en est incapable à l’échelle humaine des siècles. Nos intérêts sont donc alignés et l’humanité n’a pas d’alternative à l’alliance avec le vivant. Les MCE intègrent cette alliance en comptabilisant à la fois les contributions à la décarbonation de la technologie et celles du vivant et de la biodiversité.
Réussir la transition est le meilleur service à rendre au vivant
Des défenseurs du vivant craignent que la priorité à la transition réduise la priorité à la biodiversité. Les MCE sont au contraire la mesure universelle dont a besoin la défense de la biodiversité, celle qu’appelle de ses vœux le rapport de 2022 de l’IPBES (la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques des Nations Unies).
- Les MCE mesurent les principales menaces sur la biodiversité
Les mesures comptables environnementales mesurent trois facteurs de disparition de la biodiversité, les principaux, d’après l’Académie des Sciences : la destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources et le dérèglement du climat et du cycle de l’eau. Elles intègrent qui les travaux des scientifiques du vivant de l’IPBES, et ceux des scientifiques du climat du GIEC).
- Les MCE alignent les décisions humaines sur l’environnement
Les MCE sont les seules données environnementales capables d’offrir un cadre universel à la menace universelle qui pèse sur le vivant, parce qu’elles sont comptabilisables à l’échelle de la planète : le précédent post a décrit les comptabilités nationales d’émissions qu’elles permettent et qui embarquent les acteurs du vivant. L’eau souvent citée comme une autre mesure universelle ne jouera jamais ce rôle car il y aura de plus en plus trop d’eau à certains endroits et pas assez à d’autres. Retirer un kilo de GES de l’atmosphère a le même impact partout et tout le temps. Economiser un litre d’eau a un impact complètement différent selon le lieu et la date.
Les mesures comptables environnementales alignent les efforts pour retrouver les trois grands équilibres planétaires : sur le climat, l’eau et la biodiversité.