Les trajectoires, pour les produits (et les projets) et pour les producteurs (et les financements)
On peut définir des trajectoires dans le temps aussi bien pour le poids d’un produit (s’il s’agit d’un produit utilisé sur plusieurs années) que pour la décarbonation annuelle d’une organisation.
Les trajectoires de poids
– Pour comparer à l’achat un bien utilisé plusieurs années (véhicule, machine, immobilier, travaux d’isolation…) il faut la trajectoire estimée de son utilisation, pour calculer son poids d’utilisation annuel, intégrant son poids à l’achat, sa durée de vie estimée et les carbones émis ou capturés à l’utilisation et en fin de vie. C’est le pendant de la trajectoire estimée de l’impact de l’achat sur les revenus monétaires de l’acheteur.
Les trajectoires de décarbonation éclairent les décisions impactant le futur
– Pour la planète ou un pays. La trajectoire permet de planifier les efforts de décarbonation jusqu’à ramener à zéro le flux net de carbones vers l’atmosphère et retrouver l’équilibre des carbones dans l’atmosphère. Elle permet aussi de partager ces efforts : par pays, par région, par secteur, jusqu’aux acteurs, puisque la trajectoire d’un territoire est la somme des trajectoires de ses acteurs.
– Pour un projet de crédit ou d’investissement dans un produit financier (action, obligation, trésorerie…), la trajectoire est par convention celle des projets ou des acteurs financés. Elle est le pendant de la trajectoire estimée de leurs performances monétaires.
– Pour une organisation la trajectoire est l’équivalent en décarbonation de son plan d’affaire. Elle permet à l’organisation d’optimiser ses efforts et elle éclaire les décisions de ses financiers (actionnaires et banquiers).
L’ajustement des trajectoires
Il est nécessaire d’ajuster les trajectoires en fonction des performances réelles : Combien de carbones au m2 a réellement consommé le chauffage du bâtiment ? Combien de décarbonation a réellement rapporté le produit financier ? L’organisation a-t-elle réalisé sur l’année sa prévision de décarbonation ?
La comparaison des trajectoires entre elles
Le calcul économique élargi transpose les instruments du calcul économique monétaire, et notamment le taux d’actualisation. Il permet de ramener la trajectoire d’un projet à une valeur unique, en additionnant ses performances annuelles, réduites du taux d’actualisation. Celui-ci estime les risques : en monétaire que les charges soient supérieures aux prévisions et les recettes inférieures ; en décarbonation que les décarbonations soient inférieures aux prévisions et les carbonations supérieures.
Un taux d’actualisation spécifique pour la trajectoire de décarbonation évite l’hypothèse implicite actuelle que les risques de décarbonation sont les mêmes pour tous les projets et qu’une décarbonation est équivalente cette année ou dans 10 ans. Il permet de ramener à aujourd’hui, de façon simple, prudente et lissée, des risques non datés mais dont on estime seulement l’ampleur et de la probabilité (perte croissante d’efficacité de la décarbonation dite «naturelle» : disparition de glaciers, de forêts, d’espèces… ; prélèvement croissant sur les revenus monétaires des conséquences des dérèglements de l’environnement).
Concilier revenus monétaires et décarbonation
L’économie élargie donne deux mesures sur chaque choix possible : un coût et un poids en carbones sur une décision immédiate ; une valeur actuelle en revenus et en décarbonation sur une décision future.
Pour les concilier, le décideur peut optimiser une dimension sous contrainte de l’autre : choisir le projet ayant la meilleure performance en décarbonation à égalité de performance monétaire, ou l’inverse.
Les avantages de cette approche
Le calcul économique actuel n’intègre pas les carbones et l’immense majorité des projets n’ont donc pas d’éclairage carbone. Pour les grands projets publics on transforme en argent les carbones capturés ou émis, à un prix conventionnel de la tonne de carbones. Ce prix est arbitraire et l’hypothèse implicite (qu’une décarbonation est équivalente qu’elle soit obtenue cette année ou dans 10 ans) est contredite par les scientifiques.
Le calcul économique élargi aux carbones évite ces défauts. Il complète les dépenses et recettes en argent du projet par une seconde trajectoire : ses résultats de décarbonation année par année. Il applique à chaque trajectoire ses taux d’actualisation et obtient deux valeurs actuelles, en argent et en décarbonation. Il devient possible de choisir le projet ayant la meilleure valeur actuelle en décarbonation à égalité de valeur actuelle en argent, ou l’inverse : une source d’économies universelles et considérables, en décarbonation et en argent.
Un taux d’actualisation ramène à aujourd’hui, de façon simple, prudente et lissée, des impacts futurs vraisemblables. Par exemple, le taux d’actualisation en argent long terme des économistes (autour de 1%) se contente souvent de projeter une croissance en argent vraisemblable et consensuelle, qui n’est pas documentée par autre chose que l’historique passé. Les taux d’actualisation de la décarbonation pourront intégrer des données plus solides : des évènements non datés mais dont on a une idée de l’ampleur et de la probabilité (disparition de glaciers, de forêts, d’espèces…).