L’économie carbone,

pour comprendre et piloter la transition

Tutoriel

 

 

Ce tutoriel s’appuie sur des concepts économiques simples, présentés généralement au premier semestre de la première année de licence.

Il ne réclame pas de connaissance en comptabilité ou en mesure des émissions de gaz à effet de serre.

L’économie carbone

Deux rappels

De quoi « carbone » est-il le diminutif ?

Des Gaz à effet de serre, ou  Equivalent CO2, ou Carbone (mesurés en kg d’éq. CO2)

 – Pourquoi est-il important de bien compter le carbone

L’excès de GES dans l’atmosphère a un rôle destructeur croissant.

Arrêter la dégradation demandera

      – Plusieurs générations pendant lesquelles la qualité de vie se dégradera,

      – Un changement complet de nos habitudes de consommation, de production et de financement du carbone.

La promesse de l’économie carbone

L’économie carbone fait rentrer l’excédent de carbone de l’atmosphère dans le champ économique.

-Elle compte le carbone en kg d’équivalent CO2 comme les scientifiques

-Elle utilise les outils de l’économiste : le calcul économique et financier, la comptabilité, la gestion.

Sa promesse : Rendre la transition carbone compréhensible et pilotable par tous ses acteurs

-Elle éclaire en effet chaque décision d’un signal carbone à côté du signal argent,

-en laissant le décideur libre d’arbitrer entre les deux.

Les principes suivis sont ceux des comptabilités carbone collaboratives (prof. Ulf von Kalckreuth, Bundesbank) et du standard E-Liability (prof. Karthik Ramana et Robert Kaplan) tels que développés en France par Carbones sur factures.

Partie 1 – Trois signaux carbone suffiraient pour guider la transition 

-Pour chaque Produit, son Contenu carbone unitaire

-Pour chaque Surface de la Terre, sa Capture carbone naturelle

-Pour chaque Activité, sa Rentabilité carbone

Chaque signal correspond à une qualité universelle.

On va voir que chacun comblerait une lacune d’information majeure (diapositives suivantes)

1er signal : le Contenu carbone unitaire d’un produit (jumeau de son Prix) 

La lacune majeure d’information : Les acteurs n’ont pas les bons signaux pour décider sur les produits. Deux produits de même prix peuvent avoir un impact carbone très différent.

Le signal Contenu carbone unitaire* transpose le signal prix

-Le prix unitaire du produit, pour une unité vendue = les coûts du producteur + ceux transmis par ses fournisseurs.

-Le contenu carbone unitaire du produit, pour une unité vendue = les émissions carbone du producteur + celles transmises par ses fournisseurs.

Le Contenu carbone unitaire des produits permet de relever deux défis de la transition

   – La transition de la consommation (intermédiaire ou finale) :  Réduire au minimum le contenu carbone des produits consommés

   – La transition de la production : Réduire au minimum le contenu carbone des produits nécessaires à la consommation

 

* C’est un standard international appelé aussi Empreinte carbone, Cumul des émissions, scopes 1, 2 et 3 amont

2e signal, la Rentabilité carbone d’une activité

Activité est entendu au sens d’une activité dans le temps, réelle (projet de consommation ou de production, entreprise) ou financière (investissement dans une entreprise, un produit financier).

Rentabilité carbone est entendu au même sens qu’en argent : la contribution de l’activité à la transition (= la réduction du flux net d’émissions vers l’atmosphère qu’elle provoque) divisée par l’investissement carbone qu’elle nécessite  

Exemple sur un projet

-J’investis 1000 de travaux dans un projet qui rapporte 100 d’économies par an pendant 12 ans

-Son résultat est -1000 +12×100 = +200 (on reparlera du correctif d’actualisation)

-Sa rentabilité est +200/1000 = +20%

Le calcul qui se fait aujourd’hui en argent se transpose en carbone avec les Contenus carbone des produits concernés (1er signal).

 

Le calcul de la rentabilité carbone d’un projet se transpose

   – À l’entreprise : La contribution à la transition d’une année à l’autre, divisée par le contenu carbone de l’investissement carbone nécessaire (le contenu carbone du passif) 

   – Au financement : La Rentabilité carbone réelle (anticipée ou réalisée) du projet ou de l’entreprise passe à son financement

(Au prorata des financements car l’économie carbone ne distingue pas le type de financement apporté : en crédit, en capital, hybride…)

La Rentabilité carbone comblerait une lacune d’information majeure

Les acteurs n’ont pas les bons signaux pour décider entre deux activités, qui peuvent avoir la même rentabilité en argent et des impacts carbone très différents.

Les investisseurs notamment n’ont toujours pas de signal carbone quantitatif pour les guider, seulement un signal qualitatif pauvre : sur deux positions (Vert-Brun) et pour une partie des financements.

 

La Rentabilité carbone des financements a deux rôles

   – Elle guide dans le temps les autres défis : transition de la consommation, de la production et des captures naturelles (diapositive suivante)

   – Elle peut donner son rythme plancher à la transition : un plancher de rentabilité carbone à respecter pendant la transition.

Ce plancher permettrait de relever un troisième défi :

Une vitesse de transition suffisante pour que les conditions de vie de la dernière génération (celle qui achèvera la transition) soit encore supportables

3e signal : la Capture carbone naturelle annuelle d’une surface

La capture naturelle de carbone associée à chaque surface est une lacune majeure d’information

L’humanité n’arrivera pas à zéro carbone sans ces captures : il n’y a pas d’énergie et peu de biens zéro carbone. Protéger un flux suffisant et durable de captures naturelles terrestres et maritimes pendant la transition et au-delà est indispensa ble.

Cette protection permettrait de relever un quatrième défi : un flux suffisant de captures naturelles qui couvre le carbone qui restera indispensable aux  besoins humains de production et de consommation.

(Ce signal, essentiel pour l’économie carbone, sera développé dans un webinaire spécifique.)

Synthèse de la Partie 1 – Trois signaux carbone pour quatre défis

A compléter

 

2e partie Pourquoi et comment déployer le signal produit Contenu carbone

1. Les producteurs peuvent facilement calculer et transmettre le Contenu carbone de leurs produits à leurs clients (a)

2. Ce signal fédère les motivations carbone des particuliers (qualité de vie des proches, des générations suivantes, du vivant, biodiversité…) et leur ouvre une action sur leurs achats (b)

3. La concurrence carbone remonte les chaines de production et les producteurs ont l’intérêt (leur rentabilité argent) et la capacité de piloter la baisse de leurs Contenus carbone (c).

4. Des boucles vertueuses accélèrent la transition volontaire de la Consommation et de la Production

5. Les pouvoirs publics peuvent facilement provoquer ce déploiement puis accélérer la transition volontaire qu’il provoque (d)

Le Contenu carbone des produits

a) Un signal simple à calculer et à transmettre à ses clients

Le producteur doit seulement tenir un compte carbone Produit* qui va additionner

1- La mesure scientifique des émissions directes de l’entreprise liées à ces produits

2- le Contenu carbone des achats nécessaires à ces produits

üLeur quantité est tirée des comptes annuels du producteur (comptabilité générale et le cas échéant comptabilité analytique) 

üLeur Contenu carbone unitaire est tiré de la transmission du fournisseur ou de données publiques prudentes

Ce signal produit est unique, universel, d’un poids croissant dans la compétivité. Il transforme le “risque carbone” du producteur en “opportunité carbone”

*La charge peut être évaluée à une heure par an pour la majorité des producteurs, voir le tutoriel et le calculateur-traducteur gratuit CSF

Le Contenu carbone des produits

b) L’impact sur la consommation

La transition de la Consommation (y compris de biens publics) vise à réduire le contenu carbone des produits consommés.

L’économie carbone présente la consommation d’un marché comme : un Contenu carbone unitaire multiplié par une quantité

    -Ex. du marché de la mobilité : un Contenu carbone par km x un nombre de km

La Rentabilité carbone a donc deux composantes pour le résultat attendu ou obtenu :

    -Ex. du marché de la mobilité : le gain sur les km parcourus + le gain par substitution de Contenus unitaires plus faibles, à km constants.

Cela aide à suivre les progrès

Avec un message simple à la Production : jusqu’où peut-elle réduire le Contenu unitaire, sur chaque marché ?

Le Contenu carbone des produits

c) Son pilotage dans le temps par les producteurs

Collectivement, la mission des producteurs d’un marché est donc de réduire le Contenu carbone unitaire de ce marché. D’où deux contributions carbone du producteur, la directe et l’indirecte :

üChaque producteur doit réduire son contenu carbone unitaire : c’est son intérêt (compétitivité) et c’est donné par son compte carbone produit (la baisse de son contenu unitaire x les quantités vendues). C’est sa contribution carbone directe

üChaque producteur doit : réduire sa part de marché si son Contenu carbone unitaire est supérieur à la moyenne du marché, l’augmenter sinon : ce peut être contraire à son intérêt financier, et il faut s’accorder sur la définition du marché. C’est sa contribution carbone indirecte.

On se limite à ce stade à la contribution directe qui suffit au producteur pour piloter le Contenu carbone de ses produits

Un exemple d’arbitrage sur les projets d’une entreprise

Elle veut comparer l’efficacité de ses projets d’économie d’énergie a) en argent et b) en carbone.

   – En argent, des travaux de 25€/m2 réduisent de 10% la combustion de gaz soit 2,2€/m2/an

   – En Contenu carbone, les travaux représentent une charge initiale de 6,25kg d’éq. CO2 /m2 et une réduction de 2,1kg d’éq. CO2 /m2/an

La même méthode de calcul économique (et le calculateur traducteur CSF) donnent les rentabilités

   – En argent = -25% 

   – En carbone = +200%

L’organisation peut classer ses projets sur chaque critère

Elle peut arbitrer Argent-Carbone a) sur ses contraintes non marchandes (RSE et réglementaires)

et b) sur les impacts estimés sur sa marge :

   – Négatifs (hausse du coût unitaire)

   – Positifs (impact de la baisse du Contenu carbone unitaire sur la demande en quantité et sur la propension à payer des clients)

Contenu carbone des produits

d) Un signal facile à déclencher et à renforcer par les pouvoirs publics

Les pouvoirs publics peuvent sans coût

– Valoriser les entreprises qui ‘transmettent’ le Contenu carbone produit par un Label Transmission assurant des avantages : marchés et financements publics, visibilité…

– Simplifier leurs demandes réglementaires environnementales en les concentrant sur le Contenu carbone produit

– Imposer aux importations sans Contenu carbone un « barème douanier » de Contenus carbone prudents

– Renforcer le signal Contenu carbone par le signal prix, par exemple

. Une taxe carbone aux frontières mieux ajustée que le Mécanisme Européen

. Un système différentiel : une subvention aux meilleurs Contenus carbone unitaires, une taxe aux moins efficaces (un signal puissant et budgétairement équilibré)

3e partie – Pourquoi et comment déployer le signal Rentabilité carbone

1. Une organisation saurait donner aux acteurs qu’ils financent la Rentabilité carbone de l’activité financée (en tenant un compte carbone financier, a)

2. Ce signal, transmis jusqu’à l’investisseur final, ouvrirait aux particuliers une action concrète sur leurs placements

3. Une concurrence sur la Rentabilité carbone remonterait les chaines de financement et pousserait à la hausse la rentabilité carbone des projets financés, accélérant la transition volontaire

4. Les pouvoirs publics peuvent provoquer ce déploiement comme pour le Contenu carbone (Label Transmission et concentration de la réglementation financière sur la Rentabilité carbone). Et ils peuvent fixer un taux de Rentabilité carbone plancher assurant une vitesse suffisante à la transition (b)

Rentabilité carbone des financements

a) Le calcul de sa rentabilité carbone financière par une organisation

Pour transmettre sa Rentabilité carbone financière à un financier qui lui demande, une organisation tient son compte carbone financier* qui additionne

1. La Rentabilité carbone propre de l’organisation : sa contribution carbone gagnée par rapport à l’exercice précédent, rapporté au Contenu carbone de son passif. 

2. Sa part de la Rentabilité carbone des financements que l’organisation a accordés (calculée de la même façon)

L’enjeu de la contribution carbone indirecte (2c), négligeable du point de vue de l’organisation, peut être majeur pour son financier : cf l’exemple de l’énergie (diapositive suivante)

*Pour la grande majorité des producteurs la charge de tenue de ce compte est négligeable dès lors qu’elle tient son compte carbone Produit, voir le tutoriel CSF « financement » (en préparation)

L’enjeu de la Rentabilité carbone indirecte, l’exemple de l’énergie

Problème : La convention financière est-elle de considérer un marché par source d’énergie (par exemple : un marché Electricité et un marché Pétrole) ou un marché unique Energie ?

   – Sur un marché Electricité, EdF compte : a) sa rentabilité carbone directe (notamment par un meilleur mix carbone dans l’alimentation de ses centrales) et b) peu de rentabilité indirecte (elle fait l’essentiel de ses ventes sur le marché électrique français)

   – Sur un marché Pétrole, Exxon compte a) sa rentabilité carbone directe (notamment par un meilleur mix carbone de ses champs pétroliers) et b) peu de rentabilité indirecte (si son mix carbone est comparable aux autres majors)

   – Sur un marché Energie, la croissance de volume d’EdF lui apporte une forte rentabilité carbone indirecte et Exxon doit privilégier ses investissements dans les énergies renouvelables pour dégager une rentabilité carbone indirecte positive

La seconde convention aligne mieux les intérêts et devrait être retenue

La rentabilité carbone des financements

b) La Rentabilité carbone plancher qui imprimerait son rythme à la transition

Reste à fixer le rythme de la transition : la Rentabilité carbone plancher à dégager chaque année pour mettre hors de danger la « dernière génération » qui achèvera la transition

C’est l’analogue du taux d’actualisation des économistes : un taux de rentabilité plancher qui écarte les projets insuffisamment rentables

Ce taux plancher a deux composantes 

   – La division du flux net d’émissions vers l’atmosphère à ramener à zéro, par le nombre d’années d’ici la dernière génération (75 ans si le seuil de l’insupportable est en 2100)

   – Ce qu’on gagne en carbone en avançant d’un an un gain de carbone (c’est la valeur du temps, qui augmente : avec le carbone ajouté par l’adaptation humaine, les captures décroissantes du vivant, les boucles comme l’acidification des océans…)

Une analogie financière pour se représenter la Rentabilité carbone plancher

Au lieu de vouloir réduire à zéro le total des émissions nettes annuelles vers l’atmosphère, disons qu’il faut constituer un patrimoine pour payer une rançon (une question de vie ou de mort). Quel est l’effort annuel d’épargne à faire ?

On retrouve l’idée que cet effort a deux composantes :

   – La division du patrimoine visé par le nombre d’années : une épargne carbone annuelle

   – La valeur du temps, qu’on perd en retardant d’un an l’effort : l’équivalent d’une inflation carbone (dont on sait qu’elle augmente avec le temps)

Le financier ajoutera à juste titre

üUn coefficient de prudence, compte tenu de l’énormité de l’enjeu si la rançon n’est pas au rendez-vous

Ce que dit la Rentabilité carbone plancher

Respecter ce plancher ferait prendre conscience de deux contraintes clé :

   – Puisque TOUS les financements de la planète comptent pour la transition, chaque rentabilité négative doit être compensée par une rentabilité positive équivalente

   – Puisque le temps joue CONTRE l’humanité, chaque année ne respectant pas le plancher doit être plus que compensée ensuite et doit l’être le plus vite possible

Un pilotage global par ce plancher

   – Limiterait les problèmes d’équité : seuls les détenteurs d’actifs financiers sont concernés

   – Pourrait être assuré par les banques centrales : au titre de leur surveillance des risques de transition

Ce webinaire est terminé. Les suites possibles…

Equipés de l’économie carbone, les économistes peuvent aider tous les acteurs

   – A mieux comprendre ce qui accélère ou freine la transition et l’importance de bons signaux carbone

   – Pour mieux décider

Nous sommes à votre disposition pour vous y aider

   – Dans les entreprises, les collectivités publiques, les établissements financiers

   – Auprès des consommateurs, des épargnants, des citoyens..