Le déploiement du label Transmission par une autorité nationale
Le déploiement de la mesure est facile
Il revient à l’autorité nationale de faciliter l’accès de ses producteurs à des proxys publics : des facteurs d’émission qu’ils utilisent en l’absence de contenu carbone de leur fournisseur. Ils existent dans tous les grands pays et notamment ceux de l’UE ou de l’OCDE, sur les standards Nations Unies des matrices carbone Entrées/Sorties.
Il lui revient aussi de compléter ces proxys (qui sont des moyennes) par une estimation prudente de l’écart à la moyenne : cela est indispensable pour éviter qu’il soit avantageux pour un fournisseur de ne pas afficher son contenu carbone dès qu’il est supérieur à la moyenne du marché (voir ci-dessous le cas des produits importés).
L’autorité nationale peut transposer sans coût pour les TPE et PME les outils déjà construits de formation et de calcul en ligne. Ce sont des données publiques et des tableurs, qu’il suffit de valider en améliorant l’ergonomie, puis de diffuser sur un ou plusieurs portails publics.
Un déploiement volontaire de la bonne pratique de transmission par les producteurs est plus efficace
La méthode préconisée pour une autorité nationale motivée est celle d’un label Transmission volontaire, fondé sur une auto-certification.
Cette approche est en effet à coût budgétaire et politique nul ou négligeable pour l’autorité nationale. Elle est efficace dès la phase pré-label, quand l’autorité nationale annonce son intention et le cadre de l’auto-certification. Et elle est facile puisque l’autorité peut facilement reprendre en l’adaptant le projet de standard d’auto-certification opérationnel déjà défini (https://carbones-factures.org/processus-de-certification/).
Du point de vue de la rigueur du processus, ni le volontariat, ni l’auto-certification ne posent problème : une bonne pratique s’implante plus facilement en valorisant ceux qui la pratiquent et l’engagement d’auto-certification accepte d’avance le principe de son contrôle. Ce contrôle est très facilité par la méthode : la transmission est facile à vérifier, et la rigueur du contenu transmis aussi, puisqu’elle s’appuie sur une approche comptable (comptabilité carbone cumulative).
Il revient à l’autorité nationale de définir les avantages qu’apporte le label, qui sont très variés et peuvent être définis progressivement. Un pan essentiel est celui des achats publics et de la valorisation de l’affichage du contenu carbone des offres et du label des soumissionnaires. Sont également concernées les subventions, les financements publics, l’encadrement de la publicité environnementale… Le contenu carbone constitue aussi un outil de cohérence de l’action publique : par exemple, le cahier des charges des enregistrements de la facture électronique ne peut pas l’oublier.
Il revient aussi à l’autorité nationale de définir progressivement au cours de la phase pré-label quels tiers de confiance vérifieront les déclarations des entreprises et jusqu’où va cette vérification : la vérification doit tenir compte de l’enjeu, en prévoyant des contrôles légers par sondage au départ.
Le déploiement hors des frontières
Il est à la portée d’une autorité nationale motivée, surtout si est appuyée par une ou plusieurs autorités internationales, Union Européenne, OCDE, OMC, FMI, Banque mondiale, Nations Unies…
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- Au sein de l’Union européenne
La Commission cherche activement une méthode dotant le Green Deal d’un standard clair du contenu carbone produit. L’approche décrite du label et des comptabilités cumulatives coche les bonnes cases pour elle : la définition du contenu produit est celle de l’annexe 4 du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) ; le proxy des matrices carbone peut s’appuyer (pour ceux des 27 qui n’ont pas leurs matrices carbone nationales comme la France avec l’INSEE) sur des matrices carbone nationales Eurostat (base Figaro).
L’Allemagne est un allié logique. La convergence autour des comptabilités cumulatives est née à un séminaire à Hambourg en 2004 co-organisé par la Bundesbank, et c’est l’un de ses responsables, le professeur Ulf von Kalckreuth, qui est à l’origine du concept des Cumulative carbone accountings. De grandes entreprises allemandes pratiquent depuis longtemps ces comptabilités, notamment la chimie allemande : BASF suit et communique à ses clients le contenu carbone de ses dizaines de milliers de références produit depuis plus de dix ans.
La France est aussi un allié logique. L’INSEE fait partie des pays européens les plus avancés dans les statistiques nationales carbone. L’ADEME répand depuis longtemps une culture de suivi des facteurs d’émission. A deux reprises déjà des tentatives de déploiement des contenus carbone ont tourné court faute d’outils simples (Grenelle de l’Environnement et Convention citoyenne pour le Climat). Carbones sur factures est pionnier dans l’étape d’après, la mesure des rentabilités carbone.
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- Dans l’ensemble du monde
L’approche par auto-certification volontaire vérifiée a vocation à devenir mondiale.
Elle évite en effet le mirage d’une méthode uniforme, au profit de principes communs permettant des reconnaissances croisées. Elle articule ensemble les deux standards internationaux incontournables (standard carbone et standard comptable) tout en étant compatible avec leurs différentes variantes. Chaque organisation, publique ou privée, candidate à la labellisation conserve donc SA variante comptable (publique, privée, nationale ou internationale) et sa variante carbone (GHG Protocol, Bilan Carbone, ACV…).
L’approche est compatible avec le proto-standard de l’E-Liability institute (https://e-liability.institute/) des professeurs Karthik Ramanna et Roger Kaplan (Université de Harvard et d’Oxford) après des travaux auxquels de nombreuses grandes institutions statistiques publiques étaient associés. Elle s’adresse à des experts de grandes entreprises visant le plus haut niveau d’audit comptable : elle est donc plus exigeante et moins directement utilisable que le standard d’auto-certification décrit plus haut.
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- Le contrôle aux frontières
Une autorité nationale et/ou l’autorité européenne peut facilement pénaliser les importateurs ne jouant pas le jeu.
Les groupes européens pourront facilement labelliser leurs chaines de production mondiale en phase de pré-label, puis la faire auditer au-delà des frontières (qui ne sont pas plus des frontières en matière d’audit comptable carbone qu’en matière d’audit comptable argent).
Pour les autres importations, il est facile d’imposer aux acheteurs nationaux (dans la logique du CBAM) qui importent sans contenu auto-certifié, puis sans label de leur importateur, d’appliquer le contenu du proxy public, qui contient une marge de prudence qui alourdit le poids et pénalise l’importation.